Hubama

La visite en grandes pompes du président chinois aux Etats-Unis avait un petit air anachronique, un goût de guerre froide un peu rance qui pourrait en écœurer plus d’un autour du globe. Car qu’on se le tienne pour dit, Hu et Obama jouent les caïds à la mode bipolaire oubliant bien vite que le monde ne tourne pas autour de ce G2 fantasmé.

Coopération et tensions périphériques

Retour diplomatique faisant suite aux visites de Barack Obama et Robert Gates en Chine, le voyage américain de Hu Jintao du 19 au 22 janvier devait donc boucler une série de rencontres destinée à approfondir les coopérations sino-américaines et à apaiser un certain nombre de tensions notamment économiques. Car au-delà des mots doux d’usage dans ce genre de sauteries diplomatiques, la rencontre ne fut pas de tout repos, chacun allant de ses remarques acérées sur le comportement international de l’autre. Obama ouvrit le feu avec le délicat dossier coréen, rappelant les responsabilités de Pékin face à Pyongyang. D’une pique à l’autre, Hu renvoya le président américain dans les cordes sur les questions taïwanaise et tibétaine au nom de la souveraineté chinoise. Reproche de courtoisie, les droits de l’homme vinrent ponctuer une rencontre qui se voulait constructive. Et aux vues des tensions économiques de ces derniers mois, ça ne pouvait s’arrêter là. Après les fastes de la Maison blanche, le secrétaire général du PCC dut faire face aux nombreuses critiques des congressmen soucieux de l’évolution du cours du Yuan et du protectionnisme de Pékin. Plus terre à terre, les élus du peuple américain laissèrent entendre que le Congrès pourrait agir contre la Chine si elle ne se décidait pas à jouer à la loyale. Même les traditionnels lobbies économiques prochinois semblent aujourd’hui bouder l’Empire du Milieu et ses pratiques douteuses de pillage industriel.

Puissance et nombrilisme

Bref, une bien belle rencontre entre puissances narcissiques. Car non-contents de se tirer la bourre, les deux géants poussèrent la bouffonnerie jusqu’à nous expliquer que se jouait là l’avenir du monde. Après les G8, G20 et autres sommets au nom de menu japonais, voilà donc un G2 des plus illusoires. Se rejouant la guerre froide à la sauce aigre douce, ils débattent à travers une grille de lecture bipolaire obsolète. Le monde n’est pas couper en deux – d’ailleurs le fut-il un jour –, il ne répond pas à cette logique manichéenne du nous contre eux, il est profondément multipolaire et en constante reconstruction. Les rapports de force internationaux ne peuvent s’analyser selon une ligne de démarcation nette que même le rideau de fer n’aura pas réussi à incarner. Le culturalisme de ce bon vieux Huntington aurait-il finalement triomphé dans l’esprit des dirigeants de ce monde ? Peut-être l’ethnocentrisme induit par la puissance en est-il à l’origine. Et dans ce combat de coqs entre le péril jaune et l’impérialisme américain, le reste du monde semble dérisoire, inexistant. Quand sera-t-il demain ?

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