Carnet du Palais : la colère d’un asmathique amateur de rhum

Palais de Justice de Paris, novembre 2010, 10h. Menotté à un radiateur, un asthmatique fait une crise… Dans la 10e chambre, assis au premier rang, un homme tousse la bouche fermée. Il a les bras croisés  et se tient très droit. Quand on l’appelle enfin à la barre, il s’y rend d’un pas lent et régulier. Arrivé devant le tribunal, il recroise les bras. M. Rivière (le nom a été modifié), assisté par un avocat, est inculpé pour conduite sous l’emprise de l’alcool (0, 67 mg/l) et outrage à agent. Les choses se présentent plutôt mal mais M. Rivière reconnaît les faits sans broncher. Le plaignant ne s’est pas présenté ce matin.
Les faits remontent au mois d’avril dernier où Rivière, un Martiniquais d’une trentaine d’années, se rend chez son cousin, rue de Clichy, dans le 9e arrondissement parisien, pour y gouter un rhum fraichement rapporté de son île. En tout, il boit deux ou trois verres du divin breuvage et après un bon diner, il rentre chez lui sans tarder. Il est vrai que son travail de livreur lui impose des horaires bien matinaux. Sur le chemin du retour, vers minuit, Rivière roule à vive allure empruntant le couloir de bus à plusieurs reprises. Manque de bol, une voiture de police croise sa route et on le somme de se ranger sur le bas côté. L’éthylotest est positif et on l’escorte fissa au commissariat. Son permis est saisi, ce qui chagrine Rivière, qui est soudain pris de violentes crises de toux. Depuis son arrivée au poste, l’agitation de l’interpelé va crescendo. Par sécurité, les policiers attachent Rivière à un radiateur, les mains dans le dos. Les quintes redoublent. Il avoue être un grand asthmatique – les preuves sont apportées aujourd’hui – et réclame ses médicaments. « NIET ! C’est le médecin qui te donnera ton médicament », lui répond-on derrière le bureau. « Un verre d’eau alors ? » – « j’ai dit “NIET”, c’est NIET ! », répète l’homme en uniforme. « Il faut que j’enlève mon manteau, je ne peux pas respirer ! »implore alors Rivière qui, comme tout grand asthmatique, voit sa crise s’envenimer davantage par le stress intense que lui inflige cette situation. « Maintenant t’arrêtes ton manège ! Et tu te calmes, ok ? », envoie le policier, comme un coup de poing. Tentant alors de se détacher dans une contorsion impossible, « par instinct de survie », clame son avocat, l’homme tombe au sol et s’étrangle presque. À terre, il vomit tripes et boyaux, déclenchant l’ire des fonctionnaires de police présents, qui n’y croient toujours pas ; dans son PV, le policier : « Il a craché et il a vomi volontairement ». L’humiliation, à son acmé, si proche de la rage, pousse Rivière à déborder : « Toi en civil, je te coupe la bite. Je prends un couteau et je te coupe les couilles », entre autres. Voilà l’outrage. « Vous regrettez les faits proférés dans la colère ? », demande le Président – « Oui », répond calmement Rivière. Le Président donne la parole au Procureur, qui surprend son monde en s’attardant sur le problème de l’alcool au volant : « Maintenant on est un peu sensibilisé aux risques de l’alcool au volant. […] En France, c’est 3 personnes par jour qui meurent à cause de l’alcool au volant. C’est grave. Et ce soir-là, vous êtes un assassin en puissance, vous êtes dangereux Monsieur ». Finalement, elle requiert un retrait de permis de 6 mois et 500 euros d’amende pour l’outrage sur lequel elle n’est pas revenue dans son réquisitoire. En réponse, l’avocat, sentant la partie bien mal engagée pour son client, joue l’affect : « Le PV a été réalisé dans des conditions abominables. Attaché à un radiateur, écoutez… Ces insultes ont une cause, et cette cause, c’est un verre d’eau monsieur le Président ». Finalement, l’homme est reconnu coupable des deux infractions. Il récupère son permis de conduire (les 6 mois de retrait ne sont plus effectifs puisque la suspension date du mois d’avril) et il devra s’acquitter d’une amende de 500 euros. Après avoir vu la greffière, Rivière marche vers la sortie, escorté par son avocat. Ce dernier lui demande de l’attendre dehors 5 minutes. L’homme en robe regagne son banc à petites foulées et se lève à l’appel du nom d’un autre client. Il prend tout de suite la parole d’un ton soumissionnaire : « Monsieur le Président, mon client m’a contacté ce matin, hum… vous savez, il habite à Toulouse et, hum… il a complètement oublié cette audience, et pour tout vous avouer, moi aussi ! » Report d’audience au mois d’avril 2011. Il remercie le tribunal, se courbe poliment, puis trotte jusqu’au grand hall clair du premier étage, où Rivière l’attend certainement.
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