Agro carburants : Une bombe renouvelable à retardement durable

Crise financière, fluctuation du prix du pétrole, triplement de la production d’éthanol, explosion du prix des denrées de base, sécheresse, famine, autant de processus présentés comme des évènements soudains, sans passé ni responsable. Une solution : le développement durable. J’avais pourtant l’impression que c’était justement cela qui durait…
Les agro carburants sont  regroupés sous la bannière des énergies renouvelables. « Renouvelable, c’est-à-dire ? C’est un bien que l’on peut consommer jusqu’à plus soif sans qu’il ne disparaisse ? » «Oui, contrairement au pétrole et au charbon qui s’épuisent et polluent notre air ». « Mais même si cela pollue d’autres écosystèmes, diminue les ressources en eau douce, remplace des plantations vivrières vitales et minimalise la biodiversité, c’est renouvelable ? » « Mais oui, Ada bécasse, tu confonds renouvelable et durable ». Eureka ! Les énergies renouvelables diminuent la dépendance énergétique coûteuse des gourmands et promettent une baisse des émissions de Gaz à Effet de Serre (GES). Cependant elles causent parfois plus une dégradation soutenable qu’un développement durable.

De l’essence qui se mange …

Je ne parle pas de « biocarburant », car le pétrole est tout ce qu’il y a de plus biologique, il est crée sous nos pieds naturellement sans besoin de pesticide. Je parle des agro carburants, à base de produits agricoles et de biomasse. Les plus traditionnels (bois ou excréments d’animaux) sont consommés dans les pays en développement, le bioéthanol (dérivé de la canne à sucre, du blé et du colza) et le biodiesel (dérivé d’huiles de palme, soja ou jatropha), sont surtout destinés aux pays du G8. A cela s’ajoutent les biocarburants non liquides (gaz) et l’attendue 2e génération (microalgues). … Mais qui laisse un arrière goût amère En Malaisie, 98% des forêts de Bornéo et de Sumatra seront déboisées d‘ici 15 ans. L’assèchement des sols humides, consécutif à la déforestation, libérera de grandes quantités de méthane, GES dont le Pouvoir de Réchauffement Global (PRG) est 21 fois celui du CO2. Les cultures de canne à sucre au Kenya et de palmiers à Madagascar mobilisent beaucoup d’eau. Or, comme le montrent les récentes sécheresses et famines en Afrique de l’Est, l’eau est rare et les terres fertiles sont vitales à la production alimentaire nationale. Le biodiesel à base de jatropha, arbuste adapté aux zones arides, cultivé à petite échelle et potentiel frein à la désertification, représente cependant une alternative durable aux paradoxes du bioéthanol.

A tel point que l’UE diversifie le menu

En janvier 2008, la Commission publiait son projet de directive sur les énergies renouvelables, proposant de fixer à 10% d’ici à 2020 la part des agro carburants dans la consommation totale destinée aux transports. Tollé général, ONGs et scientifiques soulignent les risques environnementaux et la pression qu’une telle demande exercerait sur les prix des produits de base . Un an plus tard, le géant bureaucratique se ravise et précise : la cible de 10% de carburant renouvelable devrait provenir, pour au moins 40%, de produits non alimentaires tels que l’électricité ou l’hydrogène.  L’UE a réalisé que la réduction des émissions de CO2 ne se ferait pas à n’importe quel prix et qu’une vision environnementale globale s’imposait.
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