Chronique ciné : I’m still here

Publié le : 28 octobre 20186 mins de lecture

Automne 2008, en pleine promotion du sublime « Two Lovers », Joaquin Phoenix annonce vouloir mettre un terme à sa carrière d’acteur pour se reconvertir dans le hip-hop. On sait depuis que ce n’était qu’un happening pour les besoins du documenteur « I’m Still Here » de Casey Affleck, le beau-frère de la star.

Rappelez-vous : avec son nouveau look crade, on se demandait déjà à quel jeu jouait Joaquin Phoenix, devenue la risée d’Hollywood après son interview kamizake chez David Letterman où il paraissait complètement largué, voulant sans doute flinguer son image médiatique et signer son arrêt de mort. Certaines rumeurs évoquaient la thèse d’un canular et l’existence d’une page IMDB sur un prétendu documentaire sur cette improbable reconversion ne laissait aucun doute. Il a d’ailleurs suffi que quelques jours après la présentation à Venise de I’m still here pour que les deux compères avouent la supercherie.

Tout ça pour quoi ? Pour un jeu troublant entre réalité et fiction ? Pour dénoncer les failles de l’enfer médiatico-people d’Hollywood , où les stars sont jugées de la façon la plus impitoyable possible ? On ne peut que saluer le courage de Joaquin Phoenix de se laisser aller à une tendance masochiste, de mettre en danger sa propre carrière, comme s’il voulait aller encore plus loin dans la performance expérimentale. Mais est-il vraiment sincère quand il clame son envie de faire du rap ? Est-ce réellement une mise à nu ? Le film est au contraire très écrit et très préparé, Affleck et Phoenix savaient pertinemment que l’idée de reconversion dans le hip-hop serait absurde et amusante. Mais au fil des évènements qui se sont succédés durant le tournage, ils ont choisi d’aller encore plus loin dans l’humiliation publique.

Les scènes glauques s’enchaînent, la farce devient sinistre, le film devient pénible car il se voudrait une imposture géniale, mais au fond, il n’est que posture complaisante. Il n’y avait aucun besoin de s’enfoncer ainsi dans la lose pathétique afin de vouloir dénoncer lourdement les failles du cirque hollywoodien. C’est forcément tendre le bâton pour se faire battre. On ne peut s’empêcher de trouver le geste antipathique, notamment quand il s’agit de saboter la promotion de Two Lovers, pourtant le plus beau film de Joaquin Phoenix, et qui a donc connu un bide retentissant aux States.  On comprend que James Gray n’ait pas du tout apprécié.

Bien sûr, on pourrait penser à Andy Kaufman, ce grand comique mythomane qui menait une double vie, et que personne n’a voulu croire quand il était réellement atteint d’un cancer. Cela a donné le magnifique Man on the Moon de Milos Forman, avec un Jim Carrey dans son plus beau rôle.  Mais la folie d’Andy Kaufman n’était pas feinte, ce qui la rendait encore plus troublante que les petites manipulations perverses d’Affleck et de Phoenix qui veulent sans doute remettre en cause notre perception des différents niveaux de réalité, entre le vrai et le fake. Mais honnêtement, pas besoin d’être un génie pour comprendre que les stars qui font leur promo chez Jay Leno ou Letterman jouent le jeu du talk-show et ne sont pas là pour se dévoiler intimement. Alors à quoi bon ?  I’m still here est surtout d’une grande obscénité racoleuse, notamment quand Phoenix devient odieux et détestable avec ses assistants souffre-douleurs. Et ses rares moments drôles, il les doit à la complicité de guests comme P.Diddy ou Ben Stiller, qui jouent le coup avec plus de dérision. Le numéro de Stiller aux Oscars révèle d’ailleurs une cruauté plus intéressante et plus hilarante que tout le film d’Affleck. Et il n’y avait même pas besoin de voir le film pour voir cette scène.

L’humour : c’est cruellement ce qui manque le plus à I’m Still Here, qui croit emprunter des chemins bizarres et complexes, comme si Phoenix et Affleck avaient soudain oublié que tout était parti d’une blague, qu’ils s’étaient pris à leur propre piège et qu’ils cherchent désormais d‘en finir le plus vite possible et tourner la page de cette triste parenthèse, de cette année perdue, comme l’avoue le sous-titre du film : The Lost Year of Joaquin Phoenix. Bel aveu d’échec. On leur conseillera donc de revoir les brillantes comédies de Sacha Baron Cohen, ce génial comique qui n’hésitait pas à se ridiculiser avec une inconscience joyeuse et audacieuse pour mieux révéler avec une férocité remarquable la bêtise de l’Amérique profonde ou du milieu de la mode.

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